Le fait spirituel a, de tout temps, représenté un rempart contre les passions humaines. Et par passions, il faut comprendre les désirs démesurés qui ont conduit le genre humain à construire autant qu’à détruire. S’il est un désir qui est devenu primordial à notre ère, c’est bien celui de l’abondance matérielle. D’ailleurs, la question de l’abondance est aujourd’hui essentiellement traitée sous l’angle matériel, y compris – et surtout – par des mentors spirituels qui diffusent à profusion des méthodes pour changer de vie en quelques leçons. En contrepoids, la pratique spirituelle et religieuse continue de privilégier un enseignement authentique avec, entre autres, l’aide des forces angéliques. Intermédiaires entre le principe divin et l’homme, « les anges participent de la providence de Dieu », pour faire goûter à la nature spirituelle de l’existence, selon Isolde Cambournac, docteure en théologie et spécialiste de saint Thomas d’Aquin.

Aussi, lorsque l’on évoque le sujet des anges, impossible de ne pas plonger dans les enseignements de saint Thomas. Surnommé le « Docteur angélique » pour son immense contribution sur les anges, il propose certainement la plus grande collection de recherches théologiques menées jusqu’alors sur ce sujet. Isolde Cambournac y puise quelques éléments de réponse pour mettre en perspective la question de l’abondance. L’abondance tant recherchée est-elle source d’un bonheur véritable ? N’y a-t-il pas une autre forme de nourriture à disposition de l’homme ? Qu’en disent les anges ?

Une vie pléthorique : le nouveau bonheur ?

« L’abondance est une chance historique qui nous a permis de sortir de la misère ; mais elle crée de nouveaux problèmes », exprime François-Xavier Oliveau, expert en transformation opérationnelle et environnementale, et auteur. En évoquant une « chance historique », il rappelle que l’accès à davantage de ressources a été, initialement, un élément profitable pour les sociétés modernes. « Nous n’avons jamais aussi bien vécu », dit-il en se référant à quelques chiffres notables pour comprendre que l’abondance est un pivot dans l’histoire de l’homme : « Jusqu’en 1800, l’espérance de vie dans le monde était de 30 ans. Elle est désormais de 70 ans en moyenne et nulle part inférieure à 50 ans. » Yuval Noah Harari, auteur de Sapiens, une brève histoire de l’humanité, écrit d’ailleurs que « pour la première fois dans l’histoire des hommes, l’offre a commencé à dépasser la demande. Ainsi est apparu un problème entièrement nouveau : qui va acheter toute cette camelote ? » Un paradigme qui interroge sur la notion de bonheur, car, si l’humanité – particulièrement le monde occidental – vit dans la profusion, pourquoi est-elle confrontée à une crise du bonheur ? Les premiers servis par cette société pléthorique du « tout, tout de suite » sont les enfants et les adolescents. Or, le Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) a publié en 2021 un rapport expliquant que la consommation d’antidépresseurs par les adolescents a progressé de 62 % entre 2014 et 2021 et que celle de sédatifs et d’hypnotiques a augmenté de plus de 115 % sur la même période. Les adultes, quant à eux, continuent de consommer toujours plus d’anxiolytiques, tandis que les traitements contre la dépression s’allongent dans le temps. En outre, ce problème sanitaire est suivi de près par un autre. François-Xavier Oliveau décrit ce paradoxe : « Aujourd’hui, dans le monde, on meurt trois fois plus d’obésité que de malnutrition. »

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