Aujourd’hui, la science s’intéresse de plus en plus aux psychotropes pour soigner toutes sortes de pathologies et de nombreux essais cliniques se font sur des drogues psychoactives. Depuis les années 1990, un chercheur soutient cependant qu’elles permettraient aussi des rencontres rapprochées avec les extraterrestres. Entretien avec Rick Strassman.
Depuis des décennies, l’homme a tourné ses télescopes vers le ciel et envoyé des navettes spatiales, espérant découvrir un jour une civilisation extraterrestre... Mais serait-il possible que nous ayons cherché dans la mauvaise direction ? Dans l’ouvrage collectif
Inner Paths to Outer Space (que l'on pourrait traduire par« chemins intérieurs vers le Cosmos »), des chercheurs américains proposent une théorie étourdissante : les molécules psychoactives présentes dans les plantes chamaniques sacrées ouvriraient une porte vers d’autres dimensions ! C’est donc dans les espaces mystérieux de notre psyché que pourrait se faire la rencontre. Cette idée est celle soutenue par Rick Strassman, coauteur de l’ouvrage, premier médecin à avoir pu administrer des psychédéliques dans le cadre d’une étude américaine officielle, dans les années 1990.
Qu’est-ce qui vous a amené à étudier le lien entre psychédéliques et états modifiés de conscience ?
Lors de mes études, je m’interrogeais sur les similarités qui existent entre les effets des psychédéliques et ceux qu’amènent certaines formes de méditation. J’ai pensé qu’il pourrait y avoir un mécanisme biologique commun. Peut-être la même zone du cerveau était-elle activée ? De façon générale, ce qui m’a poussé à étudier ce sujet est mon intérêt pour la biologie des expériences spirituelles. J’ai commencé à chercher du côté de la glande pinéale et de la mélatonine. À l’époque, dans les années 1980, certaines données indiquaient qu’elle pourrait être psychoactive, ce qui a été réfuté. Au moment de clôturer mon travail sur la mélatonine, j’ai découvert la DMT (diméthyltryptamine), qui est aussi naturellement sécrétée par le corps et qui a des propriétés psychédéliques. J’ai alors décidé d’axer mes recherches sur cette molécule.
Quelles sont les spécificités de la DMT ?
Il s’agit d’une molécule psychédélique « classique » que l’on retrouve dans le LSD, la psilocybine, la mescaline. Leur pharmacologie est comparable, elles affectent les mêmes zones du cerveau, les mêmes récepteurs. La DMT est une molécule à peine plus grosse que le glucose que l’on trouve dans la nature, dans des milliers de plantes... Elle a été découverte dans les années 1960 dans les fluides corporels des mammifères, êtres humains inclus. J’ai voulu, en l’administrant à des volontaires dans le cadre de l’étude, démontrer que cette molécule est aussi à l’origine des états de conscience modifiés sans prise de drogues, telles les EMI (expérience de mort imminente), la méditation, l’illumination, etc. La DMT est aussi très intéressante du fait que c’est un neuroprotecteur. Si les cellules nerveuses sont exposées à un manque d’oxygène, elle permettra de les préserver. Elle catalyse aussi la neurogenèse, la conversion des cellules souches en cellules nerveuses, elle améliore la plasticité neuronale et stimule leur croissance...
Les molécules psychoactives présentes dans les plantes chamaniques sacrées ouvriraient une porte
vers d’autres dimensions !
Comment avez-vous réagi en constatant qu’une large proportion de volontaires de votre étude a vécu sous l’effet de la DMT des « expériences du 3ᵉ type » ?
Ce genre de récit, faisant état de la rencontre d’êtres de toutes formes, m’a en effet beaucoup été rapporté. Même lorsque les images perçues n’étaient pas très claires, les témoins avaient tout de même la sensation d’une présence intelligente et sensible dans l’espace de l’expérience sous DMT, avec laquelle ils pouvaient interagir. Mais ce qui était encore plus frappant était la description des rencontres avec ces êtres...
Ces rencontres semblaient presque plus réelles que la réalité...
Effectivement, l’une des marques de fabrique de la molécule est cette sensation d’« hyperréalité » presque plus convaincante et « tangible », d’une certaine façon, que la réalité quotidienne.
Comment distinguer alors ce qui est de l’ordre de l’imagination et ce qui est réel ?
Si vous vivez quelque chose dans votre esprit, il y a de toute façon des effets biologiques sur votre cerveau. Mais il faut distinguer corrélation et causalité... Il y a quelques années, un article est sorti qui décrivait la synthèse de DMT au sein du cerveau de rongeurs mourants. On la trouvait dans de fortes concentrations, tout particulièrement au sein du cortex visuel. La DMT sécrétée pour préserver le cerveau serait donc aussi à l’origine de visions, accompagnées d’une sensation d’extase. La question est donc pourquoi, dans quel but ? Dans le cadre des EMI, s’agit-il réellement d’un avant-goût de ce qu’est la mort, ou uniquement l’action biologique des neurotransmetteurs ? C’est très difficile à établir, du fait que personne n’en est réellement revenu. Mais on ne peut nier qu’une expérience a bien été vécue, que nous la qualifiions de réelle ou d’imaginaire.
Les cultures ancestrales utilisent les plantes psychoactives pour explorer d’autres mondes depuis la nuit des temps. Ont-elles aussi rapporté des rencontres exogènes ?
La littérature la plus riche qui existe à ce sujet concerne l’ayahuasca, qui contient de la DMT. Dans l’iconographie chamanique amazonienne, beaucoup d’images représentent des êtres venus de l’espace, ainsi que des ovnis. La psilocybine et les champignons hallucinogènes peuvent aussi conduire à ce type d’expériences, mais l’ayahuasca est la plus couramment associée à ces « voyages » dans d’autres dimensions et à la rencontre de ces êtres. Par ailleurs, lors des cérémonies chamaniques, la guérison opère souvent grâce à des esprits médiateurs, avec lesquels les chamanes interagissent. Ces récits rappellent aussi les rencontres sous DMT...
Avez-vous constaté qu’il existe une sorte de « schéma type » de rencontre ?
L’allure que revêtent les êtres est très variable. Certains ont la forme d’abeilles, de reptiles, d’êtres humains, de cactus, de personnages ressemblant aux soldats impériaux de
Star Wars... (...)